Transcription textuelle

Au XIXe siècle, l’immigration vers Montréal est surtout britannique. On pense aux Irlandais, un peu avant aux Écossais, surtout des anglophones, qui viennent ici dans l’Empire britannique, car en fait Montréal est une ville de l’Empire britannique, et ils s’installent en petit nombre.

Ce n’est pas de très gros nombres, au maximum, c’est 50 000 par année au Canada à la fin du XIXe. Au début du XXe, il se produit un événement de grande ampleur, on appelle cela la grande migration.

Cette fois, les chiffres augmentent énormément. On passe de 50 000 par année à 200 000, 300 000, même une année 400 000, en 1913.

Alors là, le Canada reçoit une immigration extrêmement importante composée en bonne partie de personnes qui ne sont ni anglophones ni francophones, qui viennent de l’Europe de l’Ouest, de l’Europe de l’Est et de l’Europe du Sud, et qui présentent une très grande diversité, même des Chinois.

Alors là, cette fois, la ville explose. Ce n’est plus une ville anglais-français.

Ça devient au début du XXe siècle une ville pluriculturelle, pluriethnique, et avec évidemment plusieurs langues. C’est le Gouvernement Laurier élu en 1896 qui met en place une politique de migration de masse, c’est-à-dire, c’est la seule période au Canada où les immigrants vont entrer pratiquement sans aucun contrôle sans coût fixe, sans traitement de l’immigration de façon très soutenue.

Il entre au Canada, entre 1896–1900 et le début de la Première Guerre mondiale, 2 000 000 d’immigrants. C’est une masse énorme.

Au Canada, 22 % de la population est né à l’extérieur du pays. C’est des chiffres qu’on a jamais atteints depuis. C’est la plus grande vague migratoire de l’histoire canadienne.

Elle est mise en place par un gouvernement qui veut peupler le Canada. Vous savez, la population du Canada à l’époque est autour de 3 millions. Elle grandit trop lentement pour créer un marché intérieur important, pour occuper les territoires de l’Ouest, alors le gouvernement prend sur lui d’ouvrir les portes de l’immigration.

C’est ce qui produit ce phénomène à Montréal, parce que Montréal reçoit de l’immigration par bateau, c’est-à-dire que cette immigration arrive dans le port de Montréal.

Il en vient une partie aussi à Halifax qui se rend à Montréal, et de là, ces immigrants vont essaimer vers l’Ouest, vers Toronto, vers les nouvelles provinces de l’Alberta, de la Saskatchewan.

Il en reste quand même un grand nombre à Montréal. Parce que ces immigrants arrivent dans le port, ils montent le long du Boulevard Saint-Laurent. Le Boulevard Saint-Laurent c’est l’espace, le corridor de l’immigration.

C’est la porte d’entrée de toute la diversité culturelle et linguistique à Montréal. Le quartier autour d’ici devient un quartier avec des populations chinoise, juive est-européenne, italienne, slave, et plus tard, d’origine portugaise grecque et antillaise.

Alors le Canada a besoin de main d’œuvre. Le Canada veut créer un marché intérieur. Le Canada a des industries entre autres, par exemple, l’industrie du vêtement, de la cigarette, les brasseries, qui ont besoin d’immigrants pour fonctionner — y’a pas assez de Canadiens — et c’est donc un boom immobilier, c’est un boom industriel, c’est un boom démographique. Cette période dure environ quinze ans.

Il y a un événement mondial qui met fin à cette grande migration, c’est la Première Guerre mondiale. Toutes les énergies sont occupées à la guerre. Le mouvement des populations cesse. Le Canada entre en guerre aussi automatiquement. Et là, la population immigrante cesse de venir à Montréal.

Ensuite, il y a la grande dépression économique des années 1929–39. Ça aussi c’est un facteur majeur qui met fin à l’immigration, parce qu’il n’y a plus d’emplois. Comme il n’a pas d’emplois, il n’y a pas d’intérêt de faire venir des immigrants. Donc on pourrait dire que de 1914 à 1948, c’est une longue période — une période de presque trente ans — où toute l’immigration cesse ou tombe à presque rien.

Montréal ne reçoit plus comme avant des immigrants par bateaux pratiquement chaque jour. Après la Deuxième Guerre mondiale, Montréal devient à nouveau une destination pour des immigrants.

Le climat a beaucoup changé. La ville est beaucoup plus importante sur le plan industriel, économique et démographique. Et cette fois, les immigrants sont distribués plus largement dans l’environnement montréalais.

Ils ont aussi un meilleur niveau de vie. Les conditions syndicales, les conditions dans les usines, le niveau économique s’est beaucoup amélioré.

C’est une immigration qui est plus individuelle, qui est composée de personnes surtout originaires de la Méditerranée. On pense beaucoup, entre autres, à la communauté italienne qui est dominante après la guerre.

Et c’est une immigration qui se disperse très rapidement dans les banlieues, qui occupe, par exemple, le quartier Saint-Léonard à l’est de Montréal. Il vient aussi des Juifs est-européens en nombre plus limité.

Très rapidement à partir des années 60, des immigrants arrivent en avion. Ça change tout.

Ils arrivent dans de meilleures conditions économiques. Ils ont des droits fondamentaux mieux protégés et leur statut dans la ville s’améliore énormément. Montréal devient en fait dans la période de l’après-guerre une grande ville d’immigration.

Toute la municipalité est marquée par ce mouvement. Et c’est devenu, non plus une ville avec deux langues principales, c’est devenu une ville multilingue.

Alors, à nouveau aujourd’hui, la question migratoire a subi une transformation très profonde depuis une vingtaine d’années. Aujourd’hui, la plupart des immigrants ne viennent plus d’Europe. Ils viennent essentiellement d’Asie et d’Afrique.

C’est la première fois dans l’histoire de Montréal qu’on a une vague migratoire aussi importante de l’Asie et de l’Afrique.

On a aussi beaucoup de personnes d’origine non chrétienne qui arrivent à Montréal et ça aussi c’est nouveau – essentiellement des personnes d’origine musulmane. Le pourcentage de personnes d’origine musulmane est en forte hausse à Montréal.

Deux langues dominent actuellement parmi les immigrants. C’est l’arabe et l’espagnol. L’espagnol, c’est essentiellement des Sud-Américains et l’arabe, c’est les personnes qui viennent du nord de l’Afrique ou du Moyen-Orient.

Cette immigration est cette fois-ci composée de personnes qui sont sélectionnées, qui ont donc, en général, un niveau socio-économique assez élevé, une forte diplomation, qui entrent dans les niveaux supérieurs de la société montréalaise, qui trouvent souvent de l’emploi dans des domaines techniques ou professionnels.

Ce n’était absolument pas le cas au début du siècle alors que la plupart des immigrants étaient de simples travailleurs manuels et des personnes que l’on exploitait dans les usines.

Le contexte est très différent aujourd’hui.

Ça nous mène à une société où de plus en plus les pénuries de main-d’œuvre vont faire qu’on va recruter à l’extérieur du pays.

On est dans un monde beaucoup plus global, mondial. Immigrer aujourd’hui, c’est devenu un phénomène relativement banal.

Beaucoup de la main-d’œuvre internationale est mobile, se déplace d’un pays à l’autre, rencontre des conditions très différentes selon les pays, mais travaille essentiellement dans des domaines de pointe.

Alors, Montréal qui est une ville qui cherche à se positionner sur l’échiquier mondial, va continuer certainement de dépendre d’une immigration, une immigration qui va être de plus en plus formée, de plus en plus compétente, et qui va jouer un grand rôle dans l’évolution sociale et politique de la ville.

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