Des draps d’une couleur plaisante

La guerre, les épidémies et le feu sont des ennemis de chaque instant pour les jeunes augustines, faisant office d’infirmières. Mais elles n’ont jamais abandonné. Aujourd’hui, l’Hôtel-Dieu de Québec est un témoignage de leur foi et de leur charité.

Écrit par Louisa Blair; traduction par Marie-Catherine Gagne

Mis en ligne le 10 janvier 2016

Au cours de son premier demi‑siècle, dans la foulée de la Contre-Réforme qui vise à renouveler la foi catholique romaine, la Nouvelle-France est témoin d’une explosion du zèle des missionnaires. Les pères jésuites viennent répandre la bonne nouvelle et convertir les Hurons.

À l’été de 1639, trois jeunes femmes arrivent à Québec à bord d’une petite chaloupe, bien installées sur une montagne de morue salée. Elles ont pour mission de fonder le premier hôpital des Amériques au nord du Mexique. Sur la plage viennent les accueillir le gouverneur de la Nouvelle-France, les Jésuites et quelques notables de la ville, dont la population n’atteint pas encore deux cents personnes. Les femmes sont des infirmières et des religieuses, elles sont encore dans leur vingtaine et arrivent tout droit de Dieppe, en France.

L’hôpital qu’elles ont fondé est toujours là, 361 ans plus tard, avec ses murs de pierre, son monastère et son magnifique jardin secret : c’est la communauté des Augustines. La dernière sœur a cessé de travailler à l’hôpital il y a quatre ans, et les sœurs ont cédé le bâtiment à la province il y a cinq ans.

Dans le hall de cette institution moderne toujours très achalandée se trouve une grande murale représentant ces trois jeunes femmes, pleines d’enthousiasme, quittant Dieppe pour relever de nouveaux défis. Le long voyage en mer est éprouvant, mais les sœurs se sont chacune dotées de vingt bouteilles de « bon vin », fort utiles dans les circonstances, ainsi que de sels et d’un matelas. Elles gardent le moral en chantant les services de la messe plusieurs fois par jour sous le pont, en harmonie, et en remettant des chapelets aux marins.

Ces femmes appartiennent à la Congrégation des religieuses hospitalières de la Miséricorde de Jésus, une communauté religieuse fondée sur la règle de saint Augustin, établie en France en 1155, et qui encadre le fonctionnement des hôpitaux depuis le Moyen-Âge. En 1949, l’ordre avait ouvert neuf autres hôtels-Dieu à Québec.

Les hôtels-Dieu étaient une expression de la spiritualité, par le biais d’une institution, où l’hospitalité envers les pauvres et les malades était la meilleure façon de manifester son amour pour Dieu. En plus de leurs vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, les sœurs s’engageaient également à accueillir les pauvres et les malades.

Elles servaient le Christ par l’intermédiaire des pauvres qu’elles soignaient, « en recueillant le précieux sang de Jésus Christ pour sauver les âmes de ceux pour qui ce sang a été versé ».

Leur mission était de convertir les Premières Nations pour qui, selon le père jésuite Le Jeune à son retour de Nouvelle-France, un simple malaise annonçait presque une mort imminente. Les Algonquins seront sans doute heureux de pouvoir se faire soigner dans un hôpital où l’on s’efforcera de leur sauver la vie, croit‑il. Comme il avait lui-même réécrit les règles de l’ordre des Augustines deux ans plus tôt, il était bien placé pour savoir que les sœurs feraient un excellent travail. Leur hôpital de Dieppe était, à son avis, l’un des mieux administrés en Europe.

Mais à Québec, les sœurs se trouvaient, pour ainsi dire, sur « une autre planète ». Elles n’avaient jamais connu une telle intensité, et ce, sur tous les plans : nature sauvage, guerre, incendies, famine, froid… Sans parler des épidémies de maladies terrifiantes et méconnues. Elles seront immédiatement confrontées à une épidémie de petite vérole qui exterminera la moitié de la nation huronne. On parvient un peu mieux à comprendre ce que furent leurs premières journées en lisant les descriptions de l’historien du 19e siècle, Francis Parkman :

Dans l’air empoisonné de leurs misérables masures, où les sauvages, malades et mourants, sont entassés les uns sur les autres sur des couchettes, ces femmes commencent leur nouvelle vie, exposées à la détresse et luttant contre leur répulsion, la faim et le sommeil.

Les sœurs donneront littéralement leur propre chemise. Elles utilisent toutes leurs réserves de draps pour confectionner des bandages et découpent des bandelettes dans leurs propres habits et guimpes.

En 1644, les guerres avec les Iroquois font de leur deuxième hôpital, un peu en amont à Sillery, un endroit trop dangereux pour y habiter. Mais les sœurs n’abandonnent pas la partie. Elles prennent des leçons d’algonquin entre leurs tâches d’infirmières et d’entrepreneures, alors qu’elles sont sur le point de fonder leur troisième hôpital. Le quatrième est un bâtiment de pierre qui leur a été donné en 1658, avec un dortoir de dix lits et une chapelle. Ses fondations sont encore visibles aujourd’hui, à côté d’un centre de location de voitures Budget et en face d’un McDonald.

Leurs efforts pour gagner la confiance des Premières Nations sont malheureusement freinés par la réputation de l’hôpital, que les Algonquins appelleront la « maison de la mort », en raison des vagues d’épidémies qui les ravagent. Bientôt, l’hôpital sera déserté.

Les sœurs ne restent cependant pas désœuvrées, et s’occupent des marins, des soldats et des colons qui tombent comme des mouches dès qu’un bateau accoste dans le port, amenant son lot de maladies.

Les sœurs savent que la Nouvelle‑France est un défi et c’est ce qu’elles recherchent. Elles sont animées d’une ferveur mystique, inspirée en partie par le théologien Vincent de Paul, qui balaie la société française en réaction à la réforme protestante. Dans les vingt années suivant l’arrivée des sœurs, des centaines de prêtres et de sœurs sont appelés outremer par la vision d’un saint qui les exhorte à faire œuvre utile dans le Nouveau Monde. En 1642, la ville compte cinq grandes communautés religieuses au service des Premières Nations, qu’elles considèrent comme les plus pauvres d’entre les pauvres. Et s’il faut vivre en martyr, eh bien tant mieux. Les communautés françaises sont si empressées d’envoyer des sœurs en Nouvelle-France que le contingent de Québec leur écrit de ne plus envoyer de sœurs, les menaçant de les renvoyer en France par le prochain navire.

Mais leur situation attire également les dons de riches aristocrates français, émus par les lettres passionnées des Jésuites et de Marie de I’Incarnation, une ursuline arrivée au Québec pour instruire les Français et les jeunes filles autochtones, et arrivée en même temps que les Augustines. Ses lettres demeurent parmi les documents les plus importants de l’histoire canadienne.

Les fonds pour l’Hôtel-Dieu proviennent de la duchesse d’Aiguillon, nièce de l’un des politiciens les plus cauteleux de l’histoire de France, le cardinal Richelieu. Veuve à 18 ans, elle est animée par la ferveur mystique de l’époque, mais étant également femme de bon sens, elle crée une fondation pour le nouvel hôpital en investissant dans plusieurs compagnies de transport dont les revenus devaient subvenir aux besoins de l’hôpital.

En contrepartie, la Duchesse demandait aux sœurs et aux malades de prier pour elle, chaque jour et pour l’éternité. (Les sœurs prient toujours pour elle, 361 ans plus tard, mais n’exigent plus le même devoir de leurs patients). Sa patience a certainement été mise à rude épreuve, malgré les prières des nonnes, car ces dernières abandonnèrent leurs deux premiers hôpitaux quelques années seulement après leur arrivée et sollicitèrent la Duchesse pour chaque nouveau bâtiment. Lorsqu’elles lui demandèrent de financer un agrandissement de leur troisième hôpital, la Duchesse leur envoya 10 000 livres, mais le bateau transportant l’argent vers la Nouvelle-France sombra en plein milieu de l’Atlantique. La Duchesse ne vit jamais les hôpitaux qu’elle avait financés, et ne mit jamais le pied au pays.

La médecine évolue rapidement en Europe, marquant une véritable accélération depuis environ mille quatre cents ans. (Galien, anatomiste de l’Antiquité, dont les théories formeront les fondements de la médecine européenne jusqu’à la Renaissance, meurt en 200 après J.-C.). Par exemple, la découverte de William Harvey selon laquelle le sang circule au lieu d’aller et venir, ne sera publiée qu’en 1628. Cependant, les avancées de la Renaissance sont peu utiles en Nouvelle-France. Les médecins doivent s’adapter, traiter des maladies encore jamais vues et compter sur le savoir traditionnel autochtone.

De toute façon, les hôpitaux ne sont pas forcément des lieux où s’exerce la médecine. Ce n’est que 250 ans plus tard que l’Hôtel-Dieu engage son premier interne (et, accessoirement, acquiert sa première machine à laver). Avant cela, le médecin faisait sa tournée une fois par jour pour établir des diagnostics et prescrire des médicaments et, s’il n’était pas disponible, il envoyait son fils. En 1885, un médecin suggère aux sœurs d’installer le téléphone afin qu’elles puissent le joindre en cas d’urgence.

Avant cette même année, il n’y avait pas de salle d’opération à l’hôpital. Les opérations sont effectuées dans le lit du patient ou sur une table, au milieu de la salle commune, attirant du coup l’attention sur un spectacle intéressant, mais parfois assez salissant.

Ce sont les infirmières qui s’occupent des patients, les nourrissent, les lavent et les réconfortent. On y trouve également les administrateurs et les apothicaires, qui préparent les médicaments à partir des herbes cultivées dans les jardins, protégés par les murs de l’hôpital. Certains médicaments sont importés de France, mais quelques remèdes canadiens deviennent fort populaires en France. Pendant quelque temps, le Canada se distingue par ses exportations de ginseng, d’adiante du Canada et de reins de castor, que l’on dit souverains dans le traitement de la folie. La pharmacie de l’hôpital est un service important : lorsque l’hôpital est détruit par les flammes en 1755, 40 000 livres de médicaments sont perdus.

La constitution, révisée en 1666, précise chaque petit détail de la vie de l’hôpital. Les patients doivent être traités avec respect et douceur. Les sœurs ne doivent jamais montrer leur répulsion ou leur découragement, et se montrer toujours heureuses de servir les patients, afin que ces derniers puissent lire sur le visage de leurs soignantes « la joie et le plaisir qu’elles prennent à servir Jésus Christ, qui s’incarne dans le corps des plus pauvres ».

Les hommes et les femmes doivent être séparés, la constitution établissant clairement que les portes séparant les deux unités doivent être fermées à clé. En temps de guerre ou d’épidémie, cependant, cette règle est quelque peu assouplie. Hommes et femmes partagent parfois le même espace. Même en temps de paix, les dortoirs sont parfois occupés par des officiers qui s’échangent de bonnes blagues ou par les bûcherons qui livrent le bois nécessaire pour chauffer l’hôpital (250 cordes par année!). Tous se réchauffent devant l’immense poêle à bois avant la prochaine livraison, pipe à la bouche.

Les sœurs veillent à faire respecter l’ordre dans les dortoirs, et les patients ne sont pas autorisés à chanter, à jouer ou à lire des livres jugés inappropriés.

Chaque patient possède une petite table de chevet en bois avec une théière pour les tisanes. En outre, et ceci est une nouveauté, le lit ne peut pas contenir plus d’un patient. Les rideaux séparant les lits sont changés le Mercredi des Cendres et à la Toussaint. Les draps sont faits de tissus de bonne qualité et doivent être d’une couleur plaisante au regard.

Le rituel des repas, hautement cérémoniel, est importé de France, par les fondateurs, et demeurera inchangé jusque dans les années 1930. La nourriture est la meilleure en ville, à telle enseigne que les gens commencent à feindre d’être malades pour pouvoir y manger. Le menu de 1774 établit les besoins quotidiens suivants :

  • 1 ½ lb de pain (en partie dans la soupe)
  • 12 oz de viande ou de poisson
  • Fruit
  • Légume
  • Vin
  • Un trait d’alcool (seulement sur ordonnance)

La plupart des aliments, à l’exception du poisson et du gibier, sont cultivés par les sœurs. Hors de la ville, elles possèdent leurs propres terres pour approvisionner l’hôpital, incluant toute la superficie d’une île dans le fleuve Saint-Laurent. Les bâtiments de l’hôpital comprennent une boulangerie, une morgue, une chapelle, une boucherie, une buanderie et un poulailler. Un tel amalgame n’avait rien d’étonnant au 17e siècle.

Les sœurs protègent non seulement leur nouvel hôpital et leur monastère de hauts murs de pierre, mais elles choisissent de le construire sur le sommet d’un promontoire surplombant l’estuaire de la rivière Saint-Charles, afin que les odeurs pestilentielles de la ville, encore à ses premiers balbutiements, soient chassées par le vent.

On peut s’imaginer ces odeurs au nombre d’ordonnances adoptées aux 17e et 18e siècles concernant, par exemple, l’interdiction de laisser les cochons en liberté dans les rues, l’obligation de transporter les cadavres hors de la ville et de procéder à l’enlèvement des déchets, mais également de creuser les drains (en fait, les égouts) à une certaine profondeur et de les recouvrir de planches. Ces ordonnances étaient si souvent édictées que l’on peut mettre en doute leur efficacité, et la maladie pendant ce temps proliférait.

L’histoire médicale de la ville de Québec est une longue liste d’épidémies. Les sœurs vivaient d’une crise à l’autre, et certaines succombaient à la maladie. Dès 1685, il faut installer des tentes dans la cour pour abriter toutes les victimes d’une épidémie, sans doute de variole. En 1702-1703, la variole emporte le quart de la population de la ville. Et en 1740, Mère Sainte-Hélène écrit que pendant un épisode de fièvre jaune cette année-là, « les dortoirs, les greniers et autres salons sont tous bondés, et l’on peut difficilement passer entre les lits. Tous deviennent noirs comme nègres dès qu’ils meurent ».

Même si on est encore loin de Pasteur, les normes de propreté des sœurs sont élevées et elles doivent « garder les lieux très propres, brûler de l’encens à l’occasion et évacuer les déchets le plus rapidement possible ». Cette préoccupation pour la propreté est sans doute la raison pour laquelle, malgré les épidémies, l’hôpital est considéré comme un endroit où l’on peut raisonnablement s’attendre à rester vivant. La mortalité annuelle n’est effectivement que de 10 %.

Les sœurs constatent que leur dévouement pour les pauvres est très utile à Québec. En 1664, elles décident de réserver la moitié des actifs et revenus de la communauté aux soins des pauvres, incluant la distribution de nourriture et de médicaments, et même le paiement de loyers. Les guerres iroquoises, les mauvaises récoltes, le déclin du commerce de la fourrure et les épidémies ont de lourdes conséquences. Vers 1676, la population de la ville atteint déjà 1 200 personnes, mais un tiers de ces dernières sont officiellement qualifiées d’indigentes.

Le gouvernement colonial ordonne régulièrement le versement de fonds, surtout pour les pauvres, et notamment pour les « pauvres malcides » (les malades qui sont pauvres) et les  « enfants trouvés » - ce que l’on peut qualifier de première forme de bien-être social au Canada.

La Duchesse propose alors aux capitaines de navire de contribuer aux soins de leurs marins et le roi de France décide d’assumer une partie de la responsabilité. En 1744, 27 % des revenus de l’hôpital découlent de l’État, et servent à payer pour les soldats du roi, les marins, les prisonniers de guerre, les milices et même les ouvriers des chantiers navals. Les officiers du roi ont depuis longtemps un quartier qui leur est réservé et les sœurs ne jugent pas forcément ce favoritisme d’un mauvais œil, puisque les revenus les aident à financer leurs services aux pauvres. Mais lorsque l’évêque demande aux sœurs, en 1719, de créer un quartier destiné aux prêtres, aux frais de l’hôpital, Sœur Marie-Andrée Duplessis de Sainte-Hélène se plaint par écrit que ce serait comme si les ministres du Christ lui retiraient le pain de la bouche. Mais elles n’ont pas le choix d’obéir aux ordres.

La vocation des sœurs consiste à restaurer les corps, mais également les âmes – leur hôpital s’apparente à une sorte de maison de retraite, une caractéristique qui se reflète même dans l’architecture. On peut assister aux messes, qui se tiennent fréquemment dans les différents quartiers de l’hôpital, sans même se lever de son lit. On suspend au-dessus de l’autel une œuvre pieuse, que l’on change régulièrement pour éviter que les patients ne deviennent complaisants.

Chaque lit, au lieu d’être identifié par un numéro, est dédié à un saint, dont le nom est creusé dans le bois de la tête du lit et auquel le patient est recommandé. Cette pratique ne sera abandonnée qu’à la fin du 19e siècle. Les prières sont dites à voix forte et distinctement devant l’autel, deux fois par jour. En outre, les sœurs lavent les pieds des malades à leur arrivée à l’hôpital, une tradition qui en surprendrait plus d’un aujourd’hui. Elles se considèrent comme un croisement entre Marie, la contemplative de l’Évangile selon Luc, qui est assise aux pieds de Jésus pour entendre toutes ses paroles, et sa sœur Marthe, celle à l’esprit pratique qui veillait à ce que Jésus soit nourri convenablement.

Cette préoccupation pour l’âme de leurs patients non catholiques, qu’il s’agisse d’Amérindiens païens ou d’hérétiques protestants, était véritablement ancrée dans une volonté de les convertir et ainsi leur éviter les feux de l’enfer. Mais lorsqu’elles s’opposaient au refus de leurs patients, les sœurs ne manquaient pas de créativité et ne s’arrêtaient pas à la prière, aux soins et au prosélytisme. En 1665, lorsqu’un marin refuse de se convertir, une sœur décide d’ajouter à sa tisane les os moulus de martyrs jésuites alors qu’il a le dos tourné. Le marin se convertit miraculeusement, fait sa profession de foi en public et obtient son congé de l’hôpital, « complètement guéri ». Après la conquête britannique de 1759, les nouveaux « patrons » lèvent le nez sur cet aspect évangélique de leur mission, mais les sœurs gardent le cap.

Les percées médicales du 19e siècle, qui commencent à dominer l’ensemble des soins prodigués à l’hôpital, portent un coup dur à l’approche « holistique » des sœurs. Mais elles n’abandonneront jamais leur idée et, comme le rapporte l’archiviste de l’hôpital, François Rousseau, cet aspect de leur travail à l’Hôtel-Dieu ne changera jamais. Maintenant, on parle plutôt de « l’attention accordée à la réalité contextuelle biopsychosociale du client ».

Les sœurs vivaient dans une société agitée. En plus des épidémies, les incendies constituaient une autre menace de taille. L’hôpital brûla au complet quatre fois dans ses 115 premières années d’existence. Elles étaient si endettées qu’en 1762, les sœurs n’eurent d’autre choix que de vendre toute leur coutellerie et d’accepter des travaux de blanchissage et de reprisage des populations locales. Le froid de l’hiver était sans pitié et la guerre, une menace constante. Ce n’était pas la France, mais le nord sauvage.

Mais à l’intérieur des murs, les prières étaient prononcées quatre fois par jour, les quartiers décorés, avec une attention particulière les jours de fête, et les soins prodigués aux hommes l’étaient dans un souci de modestie. Les sœurs cultivaient avec patience leurs oignons et navets. Dans leur lutte de tous les instants pour l’ordre, la paix et le bien, elles continuaient de cuire le pain, de nourrir les poulets et de récolter les herbes médicinales de leurs jardins.

Louisa Blair est une écrivaine et traductrice indépendante qui habite à Québec.

Cet article est paru dans le numéro avril-mai 2000 du magazine Canada’s History.

Cet article est aussi offert en anglais.

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