Des rêves dorés

Doug Alexander découvre le patrimoine du Klondike parsemé dans le paysage moderne de Whitehorse.

Écrit par Doug Alexander

Mis en ligne le 11 février 2021

Il y a cent ans, Robert Service, poète du Yukon laid édictait ainsi la loi de la terre du soleil de minuit :

Telle est la loi du Yukon, la prospérité est affaire de persévérance; Les faibles seront anéantis, seuls les plus forts survivront.

Voilà des mots on ne peut plus appropriés pour cette terre légendaire qui a vu naître de nombreux rêves de richesse, rêves qui furent anéantis par les rigueurs du climat; une région nordique dont l’histoire est liée à celle de prospecteurs cupides, du fleuve Yukon déchaîné, des bateaux à aubes et du chemin de fer.

Au cœur de cette région se trouve Whitehorse, qui a inspiré à M. Service des poèmes comme The Cremation of Sam McGee.

Aujourd’hui, Whitehorse est résolument tournée vers l’avenir. Les magasins à grande surface, les édifices gouvernementaux en verre et béton, les vitrines de magasins rappelant les années 1970 caractérisent davantage la capitale du Yukon que les rares bâtiments historiques qu’on y trouve encore.

Mais, pour qui cherche un tant soit peu, l’histoire a laissé quelques traces.

L’église qu’on appelle la Old Log Cabin Church, construite en 1900 par le révérend Richard Bowen, en est une.

À l’intérieur, le décor est sobre, illustrant l’œuvre missionnaire de l’Église anglicane, notamment le récit de « l’évêque qui a mangé ses chaussures » pour survivre après s’être égaré au Yukon.

Le premier poste de télégraphe de la ville, ainsi que la cabane de Sam McGee — il a vraiment existé — ont été préservés et déménagés à l’extérieur du MacBride Museum. L’endroit était tout indiqué : ce musée, érigé au cœur de la ville, retrace l’histoire de la ville et possède la plus grande collection de pépites d’or en Amérique du Nord.

À l’extérieur, on peut admirer de l’équipement d’exploration minière, des automobiles anciennes et une locomotive utilisée en 1881.

Or, l’histoire de Whitehorse, c’est beaucoup plus que ça. En seulement deux jours d’exploration, vous découvrirez le riche passé d’une ville qui a vu le jour grâce à la ruée vers l’or du Klondike et est devenu le centre névralgique du Yukon.

Tout a débuté à Miles Canyon, à dix minutes de route au sud de Whitehorse. Les falaises de basalte escarpées qui s’élèvent au-dessus du fleuve Yukon ont, à une époque, vu déferler des rapides tumultueux – qui étaient un obstacle de taille pour les prospecteurs qui ont participé à la ruée vers l’or au Klondike en 1898. En aval, on trouvait les rapides White Horse, dont les flots écumeux pouvaient être comparés à la crinière d de chevaux blancs au galop. Ces rapides sont à l’origine du nom de la capitale du Yukon — et de sa raison d’être.

De nos jours, une passerelle pour piétons surplombe ce canyon, menant à un sentier qui longe la rivière et dont le parcours plonge les randonneurs dans le passé.

Ce sentier, long de 1,75 kilomètre, est aménagé sur l’assiette d’une voie ferrée construite en 1898 pour contourner les rapides. Il débouche sur une clairière où s’élevait autrefois Canyon City, l’endroit où les prospecteurs transféraient leur équipement de la rivière au tramway. On utilisait des véhicules tirés par des chevaux pour transporter l’équipement sur des rails en bois sur une distance de 10 kilomètres jusqu’au site actuel de Whitehorse. Peu de vestiges demeurent, mais on peut tout de même voir quelques fondations, des canettes rouillées, des bouteilles brisées et d’autres objets datant de 1898.

Cet été-là, dans le port de Skagway, en Alaska, on a entrepris un projet qui semblait impossible à réaliser : la construction d’un chemin de fer à voie étroite long de 178 kilomètres qui traverserait les montagnes pour se rendre à Whitehorse. Les sceptiques ont été confondus lorsque, en juillet 1900, le premier train de la White Pass & Yukon Route est entré dans Whitehorse, faisant du coup de cette ville la plaque tournante du transport régional.

Les visiteurs du Yukon Transportation Museum peuvent se familiariser avec l’évolution des activités, de 1898, où les prospecteurs partaient à l’aventure dans le sentier Chilkoot, jusqu’à l’arrivée des avions dans les années 1920 et à la construction de la route de l’Alaska, en 1942.

Le chemin de fer a desservi la région pendant 82 ans et la White Pass & Yukon Railway Company détenait le monopole du transport : bateaux à aubes, carrioles, diligences, camions et avions.

Cette voie ferrée est toujours en service. Depuis 1988, la WP&YR exploite un service d’excursions touristiques pendant l’été. Le train, dont certains wagons sont ceux qui étaient utilisés à l’époque, relie Fraser, en Colombie-Britannique (reliée à Whitehorse par un service de navette) à Skagway. Pendant le trajet de 45 kilomètres, les passagers peuvent admirer de magnifiques paysages, traversant tantôt un terrain accidenté, tantôt des tunnels ou encore franchissant des ponts à chevalets.

Le plus grand symbole de Whitehorse, c’est sur les quais du centre-ville qu’on le trouve — the S.S. Klondike II. Ce bateau à aubes a sillonné le fleuve Yukon de 1937 à 1955. Il était essentiellement utilisé comme navire de transport pour le secteur minier. Le Klondike, qui est aujourd’hui en cale sèche permanente, fait partie des sites du patrimoine national où chaque été, des visites touristiques sont organisées.

Doug Alexander est un journaliste canadien primé et il a rédigé des articles sur le tourisme pour Geographical, Christian Science Monitor, le Globe and Mail et d’autres journaux et magazines du monde entier. M. Alexander vit à Toronto.

Cet article est paru à l’origine dans le numéro d’octobre-novembre 2004 du magazine The Beaver.

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