Polar acadien

Pour le 400e anniversaire de la fondation de la colonie française, Nikki Mitchell retrace les racines profondes de l’ancienne Acadie dans le sud-est du Nouveau-Brunswick.

Écrit par Nikki Mitchell

Mis en ligne le 26 février 2021

Comme tout bon polar, l’Acadie du Nouveau-Brunswick compte de nombreux rebondissements étonnants.

En visitant les sites historiques de Moncton et de la région environnante, on découvre quelques écarts historiques, qui sont peut-être tout simplement des réinterprétations passionnées. La région du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse connue sous le nom d’Acadie a été échangée entre les Anglais et les Français onze fois entre 1604 et 1710, avant de passer officiellement aux mains des Anglais.

C’est au moins ce que nous dit une des histoires. Une autre source vous parlera de quatre ou cinq fois.

« On se renvoyait l’Acadie comme une balle de tennis, explique Juliette McLeod, superviseure du site historique national de fort Beauséjour. Les dirigeants changeaient d’allégeance à chaque fois, mais les Acadiens sont demeurés en Acadie. »

Pour faire un brin d’histoire, commençons au fort Beauséjour, une fortification de terrassement en forme d’étoile au sud-est de Moncton, construite en 1751 par les Français en réaction à leur voisin britannique, le fort Lauwrence, à environ deux kilomètres au sud-est.

Si vous vous trouvez en sol néo-brunswickois et regardez vers la Nouvelle-Écosse, vous pouvez vous imaginet en train de protéger votre fort et d’admirer le fruit du travail de vos agronomes dans les terres marécageuses en contrebas. Le site se prête bien à une petite promenade et des guides enthousiastes contribueront à enrichir votre expérience. On vous montrera les casemates du fort, les quartiers souterrains étouffants qui ne devaient pas être de tout confort pour les soldats.

En 1775, après une bataille au cours de laquelle 400 soldats français durent se rendre devant 2 000 militaires de la Nouvelle-Angleterre, et au moment où débuta l’expulsion des Acadiens, le fort Beauséjour devint le fort Cumberland. En 1833, les militaires abandonnèrent le fort et le louèrent à des agriculteurs locaux.

Des artéfacts de la région sont exposés au musée et comprennent des assiettes en porcelaine de Chine, des épées d’officiers d’infanterie, des mousquets à rouet, un hachoir à tabac, une crêpière et de magnifiques pipes micmacs de bois sculpté.

L’inscription latine qui figure sur le cadran solaire reflète bien l’ambiance du lieu « À ce moment est suspendue l’éternité ».

Suivez les poteaux de téléphone aux couleurs de l’Acadie, rouge, blanc et bleu, jusqu’au site historique national du Monument Lefebvre à Memramcook, au nord-ouest de Sackville.

Fondé en 1864 en tant que première école postsecondaire acadienne par un jeune prêtre québécois dynamique, Camille Lefebvre, qui devint le père de la renaissance acadienne vers la fin du 19e siècle, ce site interprétatif raconte avec force détails l’histoire de la Déportation de 1755 à 1762, au cours de laquelle les trois quarts des Acadiens furent expulsés de leurs terres.

Des montages passionnants décrivent les conditions auxquelles ont fait face les cinquante premières familles qui se sont établies dans la communauté. Une version illustrée d’une carte de 1710 dépeint les premières colonies.

Près de Moncton se trouve une destination touristique fort attrayante, Le Pays de la Sagouine, ainsi nommée en l’honneur du personnage acadien créé par Antonine Maillet, romancière du Nouveau-Brunswick.

Ne comptez pas sur l’exactitude historique : laissez plutôt votre imagination vous emporter dans le monde des Acadiens.

Des comédiens costumés animent ce village coloré (des années 1940 jusqu’à aujourd’hui) en répandant de joyeuses rumeurs, en français, bien évidemment. Les articles ménagers dont se servent nos commères reflètent les charmes d’une autre époque.

Pour plonger dans le prochain chapitre, visitez le Musée acadien de l’Université de Moncton. En plus d’y décrire les détails de la Déportation et de présenter les 140 premiers colons par leur nom, le musée illustre également de nombreux aspects de la vie quotidienne dans l’ancienne Acadie, notamment la construction de maisons, la confection d’aliments et de vêtements.

Avec ses plus de 30 000 artéfacts et photographies (notamment le drapeau acadien original, et les signes de vieillissement qui prouvent son authenticité), le musée vous propose un aperçu complet de l’histoire de l’Acadie et de sa culture.

Et l’histoire se poursuit. Le musée propose également une exposition dédiée à l’un des mythes acadiens les plus populaires, l’histoire d’Évangéline. Souvent dénigré par les critiques, le poème de Longfellow sur une jeune femme à la recherche de son amoureux occupe une place toute spéciale dans le cœur des Acadiens.

« Pendant longtemps, il n’était pas très bien vu d’être Acadien, rappelle Vaughne Madden, directrice générale du Congrès mondial acadien de 2004. Bon nombre d’entre eux ont perdu leur langue et changé leur nom. Ce n’est que depuis quelques décennies que l’on assiste à un renouveau de la fierté acadienne. »

Une fierté évidente tout au long de notre voyage dans le passé de l’Acadie du Nouveau-Brunswick.

Nikki Mitchell est une autrice de Halifax.

Cet article est paru à l’origine dans le numéro août-septembre 2004 du magazine The Beaver.

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