Transcription Judette Dumel

On voulait enseigner aux élèves une façon différente de voir l'histoire à travers l'enquête. C'est ça le but de l'histoire, mais non seulement de faire de la recherche, puis de l'enquête, mais de l'utiliser pour enseigner aux autres élèves.

Donc la façon qu'ils faisaient, ils ont chacun choisi une personne qui a vécu soit avant, ou même aujourd'hui. Comme par exemple dans la communauté ici, on a exploré un peu une dame qui s'appelle Suzanne Lavertue qui a ouvert la première école afro-caribéenne. On a aussi regardé ma sœur qui s'appelle Marlyse Dumel qui est la première juge noire ici à Ottawa.

Donc on a exploré des gens qui ont eu un impact dans la communauté comme Firmin Monestime qui est le premier maire noir à Matawa. Les élèves ont fait des recherches pour savoir qu'ils étaient, quel était leur passé et ainsi de suite. Ils ont fait une affiche biographique qu'ils ont affichée dans les corridors de l'école dans un premier temps. Par la suite, ils ont pris ces mêmes affiches-là, puis on les a fait voyager à travers le Canada. 

Donc on a trouvé des profs à travers l'Internet qui étaient intéressés à participer à notre projet et ces profs-là ont reçu une enveloppe avec toutes les — il y avait 24 affiches biographiques de différentes personnes — puis on a essayé de représenter toutes les provinces et les territoires. Des personnages qui venaient d’un peu partout. Puis ils ont reçu ces affiches-là. Puis à partir de ces affiches-là, ils ont également reçu à travers l'Internet une salle d'évasion qu’ils pouvaient faire vivre à leurs élèves.

On a proposé aussi des chants, des projets d'arts que les élèves pouvaient faire aussi à partir de ces mêmes personnages-là. Dans un deuxième temps, les élèves ont aussi écrit des récits biographiques. Donc qu'est-ce qu'ils ont fait ?

Pour faire des récits biographiques, c'était une recherche un peu plus poussée. Disons qu'on parlait de Firmin Monestime, les élèves devaient aller voir s'il vient d'Haïti, quelles étaient les conditions dans lesquelles il vivait, quelle date est-ce qu'il a décidé de venir au Canada.

Donc les recherches sont un peu différentes lorsqu'on écrit un récit biographique parce qu'on doit avoir des faits, et à partir de ça, les élèves ont réussi à rencontrer une dame des États-Unis qui n'était pas Canadienne, mais qui a participé par exemple à la déségrégation des écoles aux États-Unis. Il y a Linda Brown.

Ils avaient vu l'histoire de Linda Brown et de Ruby Bridges. En explorant l'histoire de Ruby Bridges à fond, ils ont réalisé qu'il y avait d'autres personnes impliquées dans cette histoire dont une femme qui s'appelle Pam Foreman. On a pu retracer où elle était, où elle habitait. Elle l'habitait encore dans la même ville et elle est une aujourd'hui — elle travaille dans le travail le secteur immobilier.

On lui a envoyé un message et elle nous a répondu. Puis elle est venue nous faire une présentation encore à travers l'entremise de l'Internet et ainsi de suite. Donc les élèves ont pu aussi pratiquer leurs habiletés à faire des entrevues et ainsi de suite. Donc ç’a été vraiment intéressant pour eux autres parce qu'ils ont vécu l'histoire. Ils ont parlé à quelqu'un qui a été, qui a fait partie du mouvement.

Puis aussi de savoir que d'autres enfants de leur âge lisaient leurs récits, lisaient leurs affiches, faisaient les activités qu'ils avaient préparées, les comblaient d'une certaine fierté. Une autre partie du projet qu'on avait fait, certains des élèves ont fait des vidéos dans le style de la Minute du patrimoine et les élèves ont décidé par exemple de faire certains sujets comme : comment éviter les mots blessants à l'intérieur d'une salle de classe ? 

Comment éviter de dire des commentaires qui pourraient, qui sont, des fois des préjugés ? Il y a des élèves qui ont fait les porteurs noirs ici au Canada. Donc ils ont été faire une enquête sur comment est-ce que les premières unions ont commencé. Ils ont fait une Minute du patrimoine sur les porteurs noirs.

Il y en a d'autres qui ont fait des Minutes du patrimoine sur des expériences qu’ils vivaient eux autres mêmes comme par exemple que ce soit avec les cheveux ou, ainsi de suite. Donc ces Minutes-là on les a encore partagées avec d'autres élèves de l'école. Puis en même temps, il y a d'autres personnes qui ont décidé d'embarquer puis de faire leurs propres Minutes du patrimoine.

Donc c'est à peu près ça le projet. Le projet a évolué au fil des années comme je vous dis surtout avec la pandémie. Avant la pandémie, on faisant encore l'enquête sur les personnages, mais là on traduisait notre compréhension puis nos personnages en saynètes.

Donc à travers nos enquêtes, on faisait des petites pièces de théâtre qu'on présentait à l'ampleur de l'école. Puis on faisait aussi comme — disons qu'on décidait qu'on allait choisir un thème — puis disons que le thème c'était la musique, mais là on décidait qu’on allait raconter l'évolution par exemple de comment la musique, le tambour, a joué un rôle en Afrique, comment il a voyagé à travers l'océan avec l'esclavage, comment il est arrivé sur les plantations, comment tel son représentait par exemple la liberté, représentait quand il y avait une naissance, un baptême, quelque chose comme ça.

Ensuite on est rentré dans les types de musique où l’on utilise beaucoup le tambour. Comment est-ce que le jazz et le blues ont évolué ? Comment c'est devenu du rock et ainsi de suite ? Puis on est arrivé avec aujourd'hui. Mais à travers cette exploration de la musique, on présentait nos personnages à chaque époque. Donc on utilise beaucoup les arts pour véhiculer notre histoire.

Une des choses que je réalise c'est que lorsque les élèves sont vraiment engagés dans ce processus créatif, il y a beaucoup le niveau de la confiance qui va changer. Donc lorsqu'on est en train de faire des travaux, disons soi-disant plus magistraux, les élèves — surtout les élèves qui ont de la difficulté peut-être avec les études par cœur ou avec les travaux écrits et ainsi de suite — sentent un peu une confiance renaître en eux où ils savent qu’il y a d'autres façons d'exprimer les connaissances et de démontrer sa connaissance.

En plus de ça, l'enfant sent, ou l'élève sent que le travail va être utilisé d’une façon un peu plus authentique ou d'autres élèves vont profiter de leurs apprentissages. Donc ça construit l’estime de soi, ça donne aussi une certaine fierté — d’un travail bien accompli. 

Donc ça donne le désir d'explorer, puis de vouloir bien faire. Il y a aussi le fait que les élèves apprennent à connaître un peu plus leur culture, d'où ils viennent. Ça leur fait vraiment se sentir comme s’ils ont une place à eux autres aussi dans le système scolaire. 

Puis ça fait que les autres aussi deviennent des alliés. Donc ça fait que les autres comprennent un peu plus la réalité, les luttes, les défis que la communauté peut rencontrer. Et ça fait des alliés. Des gens qui vont aux autres à leur tour aussi aller raconter l'histoire, vont aux autres à leur tour aussi aller enseigner à quelqu'un.

Puis il y a plusieurs élèves qui reviennent me voir plus tard pour me dire « madame quand tu as dit telle ou telle affaire, ça a vraiment raisonné en moi, puis j'en ai parlé à ma famille », ou « ça m'a permis de comprendre quand telle affaire s’est produite dans les nouvelles, mais j'ai pu faire un lien avec est-ce qu'on a pris en salle de classe ».

Donc c'est vraiment plus au niveau de la construction de qui je suis comme personne que je trouve que ça fait une différence chez l’élève. La compréhension de divers élèves pour qu'ils se comprennent les uns les autres.

Aussi, je trouve — comme j'ai dit — c'est vraiment au niveau de construire ma fierté, mon sens d'appartenance, puis que j'ai ma place moi aussi. Puis mon histoire est importante. Puis j'ai le droit de la partager, de la véhiculer et de la vivre.

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