La santé sur la terre

Dans un avenir rapproché, un petit garçon qui vit dans une minuscule communauté des Territoires du Nord-Ouest profite d'informations médicales recueillies grâce à des expériences dans l'espace.
Texte d’Allyson Gulliver | Illustrations de Steven Hughes Mis en ligne le 20 octobre 2025

Près de Tsiigehtchic (T.N.-O.), 8 nov. 2035

– Ça pourrait être un peu froid, je m’excuse, dit la Dre Khan en pressant son stéthoscope sur le dos nu de son jeune patient.

– Vous gardez ce machin-là dans le frigo, ou quoi? gémit Noah. La Dre Khan continua de déplacer le disque de métal sur le dos de Noah.

 – Prends une grande inspiration, dit-elle en écoutant attentivement. Et encore une. Elle retira de ses oreilles les embouts du stéthoscope.

– Je ne sais pas encore exactement ce que c’est, dit-elle à Noah et à son père, mais on va le savoir bientôt. Elle ouvrit un co.ret gris et en sortit un appareil très spécial, à peu près grand comme une boîte de pizza moyenne.

– Alors, maintenant, vous lui donnez des jeux vidéos pour s’amuser? lança à la blague le père de Noah. La Dre Khan regarda l’écran de sa tablette.

– Non, malheureusement, dit-elle en se tournant vers Noah. Pointe ton doigt. Tu vas sentir une piqûre.

Noah fronça les sourcils en sentant la petite aiguille lui percer la peau, mais ça ne dura qu’un instant.

– C’est tout?

– Presque, dit la docteure en souriant. Cette partie-ci est plus facile. Tu as juste à cracher dans le petit contenant. Et pas à côté, s’il te plaît!

– À quoi ça sert, tout ça, de toute manière? demanda le père de Noah.

– Cette petite machine-là va nous aider à comprendre ce qui se passe dans ses poumons, dit la docteure avant de se tourner vers Noah. Il n’y a pas si longtemps, on aurait dû t’envoyer à Whitehorse ou même jusqu’à Edmonton pour faire ces tests-là. Maintenant, je peux prélever des échantillons ici même et j’aurai les résultats plus tard aujourd’hui.

– Cool! dit Noah. Quoique ça serait plutôt amusant d’aller à Edmonton... Le grand centre commercial, là-bas, il a l’air vraiment super!

– Tu veux voir une chose encore plus super? demanda la Dre Khan en lui montrant une camisole noire parsemée de petits points argentés.

– Euh, c’est un tee-shirt, dit Noah. C’est quoi, l’affaire?

– Ce n’est pas juste un tee-shirt, répondit la Dre Khan en souriant. C’est un appareil médical de mesure et de diagnostic, qu’on appelle parfois « Double M, Double D » en anglais. Noah et son père se regardèrent d’un air sceptique.

– Non, vraiment! fit la docteure en riant. Tu vas le porter cette nuit et demain. Et pendant ce temps-là, le chandail va surveiller toutes sortes de choses : tes battements de coeur, ta respiration, la qualité de ton sommeil.

– Je vais porter ça pour dormir? demanda Noah, étonné.

– Tout à fait, dit la Dre Khan. Tu as beaucoup de chance, Noah. Avec tous ces appareils médicaux de haute technologie, on peut obtenir des réponses ici même et décider ensuite ce qu’il y a de mieux pour toi. Et si je ne trouve pas la réponse, on pourra faire un appel vidéo avec un spécialiste pour qu’il nous aide.

– Je déteste tousser et être tout le temps essou.é, dit Noah. Ma jijuu dit que je devrais manger plus de petits fruits.

– C’est un très bon conseil, dit la Dre Khan. Les grands-mères savent tout, et les petits fruits sont bons pour tout le monde. On va voir ce qu’on pourrait faire de plus pour renforcer tes poumons et t’aider à mieux respirer.

– Mais d’où ça vient, tous ces machinslà? demanda le père de Noah en retournant délicatement le maillot pour en examiner l’intérieur.

– Préparez-vous à une grande nouvelle! dit le Dre Khan. Ça vient de l’espace! – Oui, vraiment! ajouta-t-elle en voyant leurs visages étonnés. Des astronautes canadiens ont essayé le maillot et le moniteur pendant qu’ils étaient en mission. J’ai assisté à une présentation à ce sujet-là pendant notre congrès de médecine à distance. C’est super intéressant!

– Quand ils sont dans la station spatiale ou en route vers Mars, poursuivit-elle d’un air émerveillé, les astronautes ne peuvent pas cesser tout simplement leurs activités pour se rendre au bureau d’un médecin ou à un laboratoire médical. Ils doivent trouver la réponse eux-mêmes. C’est un peu comme ici – tu ne peux pas vraiment aller passer ces tests-là au coin de la rue.

– Parce qu’il n’y a pas de rues, dit Noah en riant. Juste des chemins de gravier!

– Et si toutes ces choses-là fonctionnent dans l’espace, ajouta le père de Noah en hochant la tête, elles vont fonctionner pour un médecin quand il doit voir des patients qui vivent dans des petits villages comme Tsiigehtchic.

– C’est assez incroyable, répondit la Dre Khan. Dans le sud, ils connectent déjà tous ces appareils-là grâce à l’intelligence artificielle pour trouver des indices que les médecins pourraient rater.

– Attention, docteure. Vous ne voulez sûrement pas vous faire remplacer par des machines! dit le père de Noah avec un grand sourire.

– Allons-y, papa, dit Noah en sautant en bas de la table d’examen. Je veux essayer ce maillot Double MD... ou quelque chose du genre.

– Je vais vous revoir ici demain aprèsmidi, dit la Dre Khan en ouvrant la porte de son bureau. Dors bien, Noah. Et ne laisse pas les bibites de l’espace te piquer!

Pense à cette histoire comme de la science-fiction qui se rapproche de plus en plus de la réalité. Toute la technologie dont nous avons parlé est déjà utilisée dans l’espace, comme le Biomoniteur. L’Agence spatiale canadienne travaille maintenant à développer des instruments qui aideront les astronautes à surveiller leur santé et à régler des problèmes médicaux pendant qu’ils seront loin de la Terre. Bon nombre de ces innovations pourraient aider des gens, ici au Canada, qui vivent loin d’une grande ville où il y a un hôpital. 

Le module médical de soins synergiques (M2S2 pour faire plus court, mais nous avons inventé le nom anglais de Double M Double D), conçu pour l’espace, est doté d’un système informatique basé sur l’intelligence artificielle. Ce module est déjà à l’essai avec des patients, de Montréal à Whapmagoostui (Qc) et Sucker Creek (Alb.). 

Le neuroArm est un autre outil exceptionnel conçu pour l’espace. C’est un bras robotisé qui est contrôlé à distance, à l’aide d’une technologie semblable à celle du Canadarm2 et de Dextre. Mais plutôt que de déplacer des marchandises dans l’espace, il aide les chirurgiens depuis près de 20 ans à réaliser des chirurgies extrêmement précises qui seraient impossibles autrement. 

Les astronautes de la Station spatiale internationale font toutes sortes d’expériences, dont beaucoup se rattachent à la santé humaine. Dans l’espace, par exemple, les os humains deviennent beaucoup plus fragiles. En étudiant ce qui se passe et comment il serait possible de ralentir ces pertes osseuses, les astronautes peuvent aider les gens sur la Terre qui souffrent du même problème, l’ostéoporose. Et grâce aux communications par satellite, des spécialistes peuvent rencontrer des médecins et des patients qui vivent à peu près n’importe où. 

Cet article est paru dans le numéro de novembre du Kayak : Navigue dans l’histoire du Canada.

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