Le patrimoine religieux transformé : Montréal

Montréal est surnommée la « ville aux 100 clochers ». Sa haute densité de population, conjuguée au fait qu’elle est le fruit de la fusion de nombreuses paroisses, explique le grand nombre de bâtiment religieux qu’on y retrouve.

Écrit par Mathieu Drouin

Mis en ligne le 6 février 2019

Montréal est surnommée la « ville aux 100 clochers ». Sa haute densité de population, conjuguée au fait qu’elle est le fruit de la fusion de nombreuses paroisses, explique le grand nombre de bâtiments religieux qu’on y retrouve. Certaines parties du patrimoine religieux immobilier restent inchangées; d’autres ont été transformées ou détruites; d’autres encore sont en danger imminent.

Plusieurs transformations sont remarquables tant par leur démarche que par leur résultat, d’autres sont moins réussies. Tel que promis dans le premier article de cette série dans lequel nous avons établis les critères d’une transformation réussie, nous allons maintenant observer quelques cas remarquables à Montréal.

Des exemples de réussite...

Église Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours

Cette transformation s’approche de la perfection : une ancienne église pérennisée en un centre d’art favorisant l’inclusion sociale et la croissance culturelle, le tout avalisé par une consultation publique. Le Théâtre Paradoxe, situé au 5959, boulevard Monk est ainsi né!

L’édifice, dont l’extérieur date des années 1910 et l’intérieur des années 1930–1940, est un exemple éloquent de patrimoine architectural arborant deux factures opposées. En 2012, après plus d’une décennie de réflexion du diocèse, le Groupe Paradoxe a acquis l’édifice, et débuté la transformation. Les vitraux de Guido Nincheri et les portes de bois massif ont été conservés; le bois des confessionnaux a été réutilisé pour fabriquer un bar; et la nef a été réaménagée en salle multifonction à dominante culturelle. Le bâtiment a aussi été doté de l’équipement nécessaire à sa mise aux normes sans modification majeure de la structure.

Pérennisation de la structure, réutilisation d’éléments distinctifs, utilisation à des fins sociales et culturelles, conservation de symboles religieux clairs affirmant son usage passé : cette transformation est une source certaine d’inspiration!

Église Wesley United

L’église Wesley United, construite en 1926–1927 sous le style néo-roman, est un autre exemple d’une transformation tant respectueuse du passé que porteuse d’une vision d’avenir forte. Situé sur l’avenue Notre-Dame-de-Grâce, le lieu de culte n’a jamais été vendu, contrairement à la plupart des temples convertis. Faisant face à des défis financiers, la congrégation Wesley a élaboré une stratégie de conversion et de mise aux normes, tout en veillant à la pérennisation du lieu et à la continuité de la fonction d’éducation. La congrégation y tenait en effet une école du dimanche.

En août 2004, après un réaménagement des grands espaces dont la nef elle-même, une mise à niveau des installations et de grands efforts de conservation d’éléments religieux, deux garderies dont un Centre de la petite enfance prennent possession des lieux. Le résultat est un lieu pérennisé et une vocation liée de près à celle d’origine, le tout dans un projet économiquement responsable. Fait à souligner : aucune aide financière gouvernementale directe n’a été nécessaire.

...et des exemples à ne pas suivre

Église Beer-Sheba

Lorsqu’un bâtiment religieux est transformé en résidence de luxe, deux pôles d’opinion prédominent. Le premier préfère destruction à profanation du sacré. Le second privilégie la pérennisation, qu’importe la nouvelle fonction. Or, une conservation sans effort de commémoration de l’ancien usage n’est-elle pas une destruction déguisée? La question reste entière dans le cas de l’église Beer-Sheba.

Sur la 4e avenue du Vieux-Rosement se trouvait l’église Beer-Sheba. Aujourd’hui, impossible de deviner la présence de cet ancien lieu de culte protestant. Construit en 1923, ce bâtiment religieux capital pour l’Église Unie de Montréal au 20e siècle a été déclaré « bâtiment d’intérêt patrimonial et architectural » par la Ville de Montréal en 2004, ce qui devait garantir son intégrité selon le Plan d’urbanisme. Pourtant, deux ans plus tard, des condominiums de luxe y étaient aménagés. Et la mise à jour du Plan d’urbanisme, en 2016, ne porte plus trace de l’église…

Église Saint-Columba et son centre communautaire

L’église Saint-Columba et son centre communautaire ne sont pas (encore) détruits, ni transformés. Cependant, certaines prémisses communes à l’église Beer-Sheba laissent présager une transformation similaire, voire une destruction.

La vente de la propriété à un promoteur, en 2013, laissait présager une transformation ou une destruction. Or, la Ville de Montréal affirmait en 2014 que l’église édifiée en 1920 et son centre possédaient un intérêt patrimonial certain. Le lieu semblait donc protégé.

Cependant, en 2016, le projet PP-87, impliquant le retrait de la reconnaissance patrimoniale et la destruction du lieu, était accepté par la Ville de Montréal. Toutefois, les citoyens le firent avorter grâce à l’invocation au droit de référendum, droit aboli par les Lois 121 et 122 en 2017. Enfin, l’église et son centre n’ont pas été protégés dans la version actualisée du Plan d’urbanisme de la Ville.

En somme, l’église est aujourd’hui abandonnée. Elle ne jouit d’aucune protection, et les citoyens sont contraints à l’opposition passive. Bref, un nouveau projet de destruction ne pourra sans doute pas être stoppé à moins d’une improbable intervention des élus.

Mathieu Drouin est historien spécialiste des religions. Il évolue présentement comme coordonnateur en médiation culturelle au Pôle Culturel du Monastère des Ursulines, entre autres projets.

Cet article est aussi offert en anglais.

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