Le patrimoine religieux transformé : ville de Québec

Le patrimoine religieux immobilier de la Ville de Québec, ville du Patrimoine mondial de l’Unesco, semble profiter d’une protection à toute épreuve contre l’altération ou la destruction.

Écrit par Mathieu Drouin

Mis en ligne le 30 janvier 2019

Le patrimoine religieux immobilier de la Ville de Québec, ville du Patrimoine mondial de l’Unesco, semble profiter d’une protection à toute épreuve contre l’altération ou la destruction. Si cela est en grande partie vrai dans l’arrondissement historique, les bâtiments dans les autres secteurs de la ville sont plus vulnérables : certaines églises sont même en danger immédiat. C’est le cas par exemple des églises Saint-Sacrement et Saint-Cœur-de-Marie qui sont dans un état alarmant.

Dans cette ville quatre fois centenaire, nombreux sont les exemples de transformation du patrimoine religieux immobilier. Cliquez ici pour consulter la liste des transformations de lieux de culte du Rapport du groupe de travail sur la préservation du patrimoine culturel à caractère religieux de la ville de Québec. Certaines sont remarquables tant par leur démarche que par leur résultat, d’autres sont tout à fait déplorables.

En voici quelques exemples remarquables :

Des exemples de réussite...

Le monastère des Augustines de la Miséricorde de Jésus de l’Hôtel-Dieu de Québec

Érigé entre 1642 et le milieu du 20e siècle, le monastère des Augustines a été un haut lieu de la pratique de la médecine jusqu’au transfert de la mission hospitalière au CHUQ, en 1962. Son architecture conventuelle jouit d’une remarquable cohérence, à l’exception notable de la tour centrale, malgré les siècles séparant les agrandissements et les reconstructions.

Faisant face à une diminution sévère du nombre de leurs membres, les Augustines ont entamé une profonde réflexion sur leur avenir. Cette réflexion a résulté en un concept tout à fait unique : une multiple transformation du monastère en un centre de santé globale incluant un hôtel, un centre de soins, un musée et une boutique.

Par la sélection d’une nouvelle vocation semblable à l’originale, par le profond respect des bâtiments et par l’ouverture d’un espace de commémoration, les Augustines ont démontré que la transformation responsable du patrimoine religieux immobilier était non seulement possible, mais encore qu’elle pouvait être une source d’avant-gardisme.

La bibliothèque Claire-Martin (ancienne église St. Matthew)

L’église anglicane St. Matthew, construite en 1848–1849, puis agrandie en 1870, fait office d’exemple à suivre en matière de transformation d’une église en bibliothèque grâce à l’étroite collaboration des acteurs de l’époque. En 1976, le bâtiment a été classé par le gouvernement du Québec. Puis, en 1979, il a été acheté par la Ville de Québec pour la somme symbolique de 1 $ afin d’être aménagé en bibliothèque par l’entremise de L’Institut Canadien, avec la précieuse collaboration de l’Église anglicane qui a assuré une transition en douceur.

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La bibliothèque jouit d’actualisations régulières afin de conserver son utilité sociale, et d’un entretien qui garantit la pérennité du lieu. La conservation d’éléments-phares du lieu de culte, dont les fonts baptismaux, permet à l’ancienne utilisation de rester gravée dans la mémoire collective.

...et des exemples de destruction malheureuse

L’église Saint-Vincent-de-Paul

Au coin de l’avenue Honoré-Mercier et de la Côte d’Abraham, on retrouve les vestiges de l’église Saint-Vincent-de-Paul. Ce lieu de culte construit à la fin du 19e siècle, incendié en 1949, puis reconstruit en 1953, s’estompe de plus en plus dans la mémoire collective.

L’église a été acquise en 1998 par un promoteur immobilier. En 2006, celui-ci l’a démolie sans regard à sa position dans un quartier historique reconnu par l’Unesco, et sans l’aval du gouvernement provincial. Ce dernier est toutefois intervenu pour stopper la destruction : la façade a donc été conservée et un projet d’intégration à un nouvel hôtel a été annoncé. Pourtant, cet hôtel n’a jamais été construit : en 2009, le promoteur a obtenu l’autorisation du Ministère de démolir la façade, en échange de la construction ultérieure d’une œuvre d’art, une autre promesse non tenue. En 2017, la Ville a déclaré vouloir soit racheter le terrain, soit exproprier le détenteur actuel. Au moment d’écrire ces lignes, le lieu appartient toujours au promoteur.

L’église Saint-Joseph de Saint-Sauveur

L’église Saint-Joseph de Saint-Sauveur a été l’inspiration de Roger Lemelin pour Les Plouffe, roman dont l’adaptation télévisuelle a été l’un des premiers grands succès de la télévision québécoise. Or, le lieu n’a pas été jugé digne d’une reconnaissance patrimoniale.

L’entrepreneur ayant acquis le bâtiment avait la volonté et les moyens d’en aménager l’intérieur, mais il n’a pu obtenir un permis pour ce faire. Tant le Ministère de la Culture que la Ville de Québec se sont dégagés de toute responsabilité liée à la préservation de l’église des Plouffe. L’église, risquant de s’effondrer après plusieurs années d’abandon, a été détruite en 2012. Suite à la grogne populaire, la Ville a promis d’aménager un espace de commémoration sur le site de l’ancien parvis.

Or, en date de l’écriture de cet article, le clocher croupissait toujours en bordure de la rue, sans protection contre les éléments. Il y est depuis six ans. Chaque jour qui passe ainsi réduit les chances d’une intégration.  

Mathieu Drouin est historien spécialiste des religions. Il évolue présentement comme coordonnateur en médiation culturelle au Pôle Culturel du Monastère des Ursulines, entre autres projets.

Cet article est aussi offert en anglais.

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