Le patrimoine religieux transformé : Province de Québec

2755. Voilà le nombre de lieux de culte québécois répertoriés comme tels dans l’Inventaire des lieux de culte du Québec. De ce nombre, 90 ont été démolis et plus de 300 ont changé de vocation.

Écrit par Mathieu Drouin 

Mis en ligne le 7 février 2019

2755. Voilà le nombre de lieux de culte québécois répertoriés comme tels dans l’Inventaire des lieux de culte du Québec. De ce nombre, 90 ont été démolis et plus de 300 ont changé de vocation. Ces deux dernières données augmentent d’année en année tant en raison d’une baisse de la pratique religieuse dans plusieurs confessions que du lent déclin des congrégations religieuses.

Certaines transformations sont remarquables tant par leur démarche que par leur résultat, d’autres sont tout à fait déplorables. Comme promis dans l’article introductif dans lequel nous avons établi les critères d’une transformation réussie, nous allons maintenant observer quelques cas remarquables dans la province de Québec.

Des exemples de réussite...

Centre multifonctionnel Au Clocher (Église Satin-Stanislas) — Saguenay-Lac-Saint-Jean

Bibliothèque et salle de visionnement, café-restaurant, épicerie, centre d’escalade, centre de conditionnement physique, maison des jeunes... et lieu de culte; voilà toutes les nouvelles fonctions de l’ancienne église Saint-Stanislas, sise dans la municipalité du même nom. Cet exceptionnel projet de conservation et de redéveloppement du tiers-lieu donne l’exemple à toutes les fabriques et municipalités québécoises.

Malgré les nombreuses modifications nécessaires au projet, l’église conserve son allure grâce à sa voûte et sa fenestration, mais surtout, actualise son importance dans la vie municipale. En 2013, la fabrique constatait l’impossibilité d’entretenir seule le bâtiment. Mais, grâce à la volonté de l’évêché de trouver des solutions, à l’implication de divers organismes régionaux et à l’appui massif des citoyens désireux de se redonner un tiers-lieu actuel, l’église Saint-Stanislas est sauve.

Centre d’art des Récollets — St. James (Église anglicane St. James) — Trois-Rivières

À Trois-Rivières, on a restauré un centre d’art aménagé dans une ancienne église anglicane pour lui redonner son lustre... du Régime français. À cette époque, les Récollets y tenaient un couvent, qui a été abandonné en 1776 et repris par l’Église d’Angleterre au 19e siècle. En 2011, Trois-Rivières a acquis le lieu historique, enclenché les restaurations et donné sa nouvelle fonction aux bâtiments, tout en garantissant aux fidèles un accès pour les célébrations religieuses anglicanes. L’esprit des lieux a ainsi été à la fois restauré, conservé et actualisé.

La restauration du couvent des Récollets et sa mise aux normes assurent la pérennisation du lieu de culte et la commémoration de son histoire. Sa nouvelle fonction, elle, répond tout à fait à cette fonction de tiers-lieu que détenait — et que détient toujours — le temple anglican. En ce sens, il s’agit là d’une transformation exemplaire montrant que l’implication des gouvernements (provincial et municipal, dans ce cas) facilite la conservation du patrimoine religieux.

...et des exemples à ne pas suivre

Église Saint-Paul d’Aylmer — Gatineau (Outaouais)

Construite en 1894, l’église Saint-Paul d’Aylmer a bénéficié de plusieurs remises en état quelques années avant sa destruction partielle par le feu en 2009. La fabrique a commencé dès 2010 des démarches pour l’utilisation des ruines (plusieurs murs encore solides) dans un nouveau projet. Les besoins culturels et communautaires des résidents à proximité semblaient l’occasion idéale pour faire renaître et actualiser l’église Saint-Paul.

Après un concours de projets architecturaux aux résultats probants, de nombreux efforts de la fabrique dont une proposition de participation de 3 millions de dollars, l’implication des députés provincial et fédéral et la constitution d’un OBNL ayant pour mission de mener à bien la transformation, le projet a cependant achoppé. Pendant trois ans, la Ville de Gatineau a refusé de s’engager. En 2013, comme les murs exposés souffraient des aléas climatiques et devenaient dangereux, la fabrique n’a pas eu d’autre choix que de démolir le lieu de culte.

Église Sainte-Marie-Madeleine — Trois-Rivières (Mauricie)

Laissée à l’abandon depuis plusieurs années, l’église Sainte-Marie-Madeleine se dirige tout droit vers la démolition. Le lieu de culte a été acquis en 2013 par une entreprise sans nom (généralement nommée « société à numéro »), et devait être transformé en hôtel-condominium.

Or, l’acheteur n’a jamais payé entièrement l’immeuble à la fabrique ni ses taxes à la Ville. Cette dernière, en 2015, disait préparer son dossier pour forcer l’entrepreneur à revendre l’immeuble. En date de l’écriture de cet article, le registre foncier de Trois-Rivières montre que l’église est toujours au nom de l’entreprise sans nom. Le lieu est en proie aux squatteurs, à des incendies à répétition et à un manque flagrant d’entretien. À ce rythme, l’église Sainte-Marie-Madeleine sera malheureusement impropre à la transformation d’ici quelques années.

Mathieu Drouin est historien spécialiste des religions. Il évolue présentement comme coordonnateur en médiation culturelle au Pôle Culturel du Monastère des Ursulines, entre autres projets.

Cet article est aussi offert en anglais.

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