Sur les traces des Pieds-Noirs

Au sud de Calgary, là où certains des premiers peuples ont pénétré dans le Nouveau Monde, après la dernière ère glaciaire, le paysage se transforme, de la montagne à la plaine jusqu’aux « bad-lands ». Comme l’a découvert Bill Corbett, c’est un endroit où le passé a laissé des marques profondes.

Écrit par Bill Corbett

Mis en ligne le 26 février 2021

L’Alberta célèbre son 100e anniversaire en 2005. Il s’agit d’une des plus jeunes provinces du pays, mais creusez dans le sol des prairies du sud de l’Alberta et vous découvrirez une histoire qui remonte à plus de six mille ans.

La Confédération des Pieds-Noirs, qui comprend les Peigan (Piikani), les Pieds-Noirs (Siksika) et les Gens du Sang (Kainaiwa), est présente sur les plaines du sud de l’Alberta depuis le recul des glaciers continentaux.

On peut retracer sa riche histoire en allant de Calgary jusqu’à la frontière du Montana, principalement sur des autoroutes peu fréquentées et sur les plus belles routes secondaires du Canada.

Pour un bon aperçu, rendez-vous au musée Glenbow de Calgary, le plus grand musée de l’ouest du Canada. Sa magnifique collection sur les Pieds-Noirs comprend de superbes tipis, des chemises aux fines broderies, des robes peintes, des outils en os et des « calendriers » illustrés pour consigner les événements importants.

Suivez le guide autochtone dans la galerie Nitsitapiisninni (« notre façon de vivre »), qui raconte l’histoire de la Confédération des Pieds-Noirs, de sa création par Napi (« le vieil homme ») jusqu’à aujourd’hui.

Les Pieds-Noirs ont déjà régné sur les plaines du sud de l’Alberta. Ils étaient si puissants dans la région que les explorateurs et commerçants de fourrure du 19e siècle durent chercher une voie de passage plus sûre à travers les montagnes Rocheuses.

Cependant, au-delà de leur image de guerriers, se cache une société nomade complexe, où les femmes organisaient la vie dans le camp, ainsi que les danses sociales et les jeux des enfants.

Moins de deux heures au sud de Calgary, à la pointe sud des Porcupine Hills, se trouve le site, au nom fort étonnant de Head-Smashed-In Buffalo Jump, ainsi nommé parce qu’un chasseur y a été écrasé sous une chute de bisons.

Site du patrimoine mondial de l’UNESCO, il s’agit d’une des chutes à bisons les plus vieilles, les plus grandes et les mieux préservées en Amérique du Nord. Selon des fouilles archéologiques, elle a été utilisée pendant plus de 5 600 ans.

Malgré cette histoire impressionnante, le site de Head-Smashed-In demeure discret. On y trouve un centre d’interprétation de 10 millions de dollars, qui se fond dans le paysage.

Pour le bison, cette falaise de dix mètres signifiait la fin. Les chasseurs attiraient ces énormes créatures, à la vision déficiente, vers ce lieu funeste où la seule porte de sortie était la falaise. La chute leur était fatale.

Au bas de la falaise, les membres de la tribu tuaient les animaux blessés et dépeçaient les carcasses. Ils en tiraient de la viande, du cuir, des outils et même des objets religieux. Vous en apprendrez davantage sur cette société complexe au centre d’interprétation de cinq étages, en compagnie d’un guide peigan, si vous avez de la chance. Au cours de l’été, les visiteurs peuvent assister à des pow-wow (concours de danses et de tambours autochtones), faire une visite archéologique ou passer la nuit dans un tipi traditionnel surplombant les plaines.

Je vous propose comme dernier arrêt, un autre trésor, le parc provincial Writing-on-Stone, dans les plaines du sud de l’Alberta, et d’où l’on aperçoit la brume violette des Sweetgrass Hills du Montana. L’entrée du parc Writing-on-Stone est grandiose : on y trouve de grandes colonnes rocheuses sculptées par le temps, et qui portent le joli nom de « demoiselles coiffées », enlacées par le parcours sinueux de la rivière Milk.

Pendant près de 3 000 ans, la vallée de la rivière Milk offrait aux Pieds-Noirs abri, nourriture et eau. Le grès des «demoiselles coiffées» se prêtait également fort bien à la représentation de leurs visions et autres événements importants. Le parc Writing-on-Stone contient la plus grande concentration d’art rupestre autochtone des grandes plaines de l’Amérique du Nord, avec des centaines de pétroglyphes (gravures) et peintures sur roches.

L’endroit du parc où l’on retrouve la plus grande concentration d’art rupestre ne peut être vu qu’en suivant la visite de 90 minutes en compagnie d’un interprète du parc. Mais la scène la plus impressionnante, illustrant une bataille avec plus de 250 personnages, peut être vue à l’extrémité du Hoodoo Interpretive Trail de 2,5 km, une promenade impressionnante à travers les « demoiselles coiffées », surplombant la rivière.

Au milieu de l’été, n’oubliez pas d’apporter beaucoup d’eau; dans ce four de grès, même les serpents à sonnettes s’y font rôtir.

De l’autre côté de la rivière, on trouve un ancien poste reconstitué de la Royale gendarmerie à cheval du Nord-Ouest. Il avait été construit à l’origine dans les années 1880 afin de freiner les commerçants de whisky américains.

À cette époque, les effets combinés de l’alcool, de la variole et la disparition des grands troupeaux de bisons mirent fin à la longue et fière domination des Pieds-Noirs dans les plaines du sud de l’Alberta.

Bill Corbett est l’auteur de Best of Alberta: Day Trips from Calgary.

Cet article est paru à l’origine dans le numéro août-septembre 2005 du magazine The Beaver.

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