Descente dans le passé

Un site archéologique unique situé sous la terrasse Dufferin, à Québec, met en évidence des siècles d’occupation et d’usages multiples.

par Nancy Payne

Mis en ligne le 8 mars 2022

Lors de notre dernière visite familiale à Québec, en 2009, le site se trouvant au pied du très photogénique Château Frontenac, était, pour être honnête, un peu brouillon. Mais le désordre ne manquait pas d’intérêt : le personnel de Parcs Canada était en train de creuser un secteur d’assez grande taille juste au sud de la célèbre statue de l’explorateur français Samuel de Champlain, révélant des murs de pierre partiels et des fondations. 

Cette fois-ci, nos deux fils étant partis à l’université, mon mari et moi visitons la ville en binôme. Pour une fois, nous n’avons rien prévu et n’avons pratiquement pas fait de recherches sur cette escapade, hormis la réservation d’un hôtel à l’intérieur des murs du Vieux-Québec. Nous savons que nous pourrons nous rendre partout à pied à partir de notre hébergement, et que tous les endroits que nous visiterons seront à la fois magnifiques et chargés d’histoire. 

J’ai hâte de me promener à nouveau sur la célèbre terrasse Dufferin (même si je suis habillée de façon décontractée, je m’imagine porter une robe à tournure ornée d’une multitude de boutons compliqués et agrémentée d’une ombrelle assortie) et je me demande ce qui est advenu de cette fouille que nous avions vue il y a plus d’une décennie? Lors de notre promenade sur la terrasse, au sommet de la falaise, nous apercevons un premier indice de l’évolution du site : trois grandes boîtes de verre appelées « archéoscopes » proposent un aperçu fascinant des vitrines et des passages qui se trouvent juste sous nos pieds. Il s’avère que le désordre d’il y a treize ans fait maintenant partie d’un lieu historique national où nous pouvons littéralement découvrir les dessous de ce site chargé d’histoire sur le Cap Diamant. 

Après avoir acheté des billets au joli kiosque Frontenac – une aubaine à moins de cinq dollars par adulte – de joyeux employés bilingues nous dirigent vers les escaliers de l’entrée. En pénétrant dans ce lieu, nous sommes captivés par l’impression de suivre la trace des chefs hurons-wendats, des gouverneurs britanniques et même de Champlain! Enfin, ceux-là mêmes et toute leur valetaille aussi. 

L’histoire dans votre boîte de réception
Avec nos 7 bulletins d’information thématiques différents, chacun trouvera le sien.

Au cours des siècles, le site est passé d’un point de rencontre des Premières Nations où des chefs comme Jean-Baptiste Atironta accueillaient les nouveaux arrivants européens à un siège du pouvoir doté des attributs d’un avant-poste impérial. De petites vitrines bien éclairées présentent des artefacts évocateurs qui racontent l’histoire des quatre forts et des deux châteaux du site : des perles de verre, une épingle décorative en or, des fragments de pipes européennes et huronnes-wendates, ainsi que de la porcelaine et de la verrerie délicates qui semblent d’une élégance disproportionnée dans cet environnement rudimentaire. 

Nous n’avons pas pris la peine de télécharger l’audioguide de Parcs Canada, préférant nous promener à notre rythme. Des panneaux expliquent la fonction première des pièces dans lesquelles nous pénétrons. 

Compte tenu de cette position avantageuse, surplombant le fleuve Saint-Laurent, il n’est pas surprenant qu’il y ait déjà eu un village huron et wendat à cet endroit lorsque Champlain y fit construire le premier fort et la première palissade en bois en 1620, avant de l’agrandir six ans plus tard. (Il mourut à cet endroit en 1635). La troisième version du fort a survécu vingt-quatre ans et comportait des remparts en pierre. Une quatrième version améliora les capacités défensives du fort, mais après la prise de Québec par les Britanniques, son rôle militaire fut supplanté par une nouvelle citadelle située à proximité et qui sert aujourd’hui de résidence secondaire au gouverneur général du Canada. 

Le premier des deux châteaux était une structure en pierre d’un seul étage construite par le gouverneur français Charles Huault de Montmagny en 1648. Le second a été construit à l’époque de son successeur, Louis de Buade, comte de Frontenac, et a finalement été repris par les Britanniques. Les nombreuses structures qui ont occupé le site se reflètent dans son nom officiel, au pluriel : le lieu historique national des Forts-et-Châteaux-Saint-Louis. Pour faire bonne mesure, il y a eu plusieurs incarnations de la promenade inaugurée en 1838 par Lord Durham, puis considérablement agrandie pendant le mandat de Lord Dufferin en tant que gouverneur général dans les années 1870. 

Pour être honnête, nous ne nous préoccupons pas trop de l’historique des pièces et des passages que nous explorons. Nous sommes trop absorbés par les quelques informations glanées sur les compétences diplomatiques d’Atironta et sur les complexités de la préparation des repas coloniaux; apparemment, Frontenac avait un pâtissier personnel dont la spécialité était de préparer les sorbets dont le gouverneur était friand. 

En partie à cause de son emplacement unique, et en partie parce que des centaines de touristes se promènent à quelques mètres au-dessus du site, il y règne un agréable silence. Les éléments architecturaux et historiques mis en lumière sont faciles à découvrir, et rien ne presse les visiteurs qui s’y déplacent à leur rythme, en chuchotant. L’ensemble donne le sentiment d’être transporté dans une autre époque, à quelques pas seulement du monde moderne. 

Nous remontons sur la terrasse et émergeons en plein soleil, au milieu des visiteurs qui dégustent une crème glacée, prennent des photos et s’émerveillent de la vue comme l’ont fait les générations qui les ont précédés. Nous avons passé environ quarante-cinq minutes dans cet autre espace-temps et, bien que nous soyons heureux de revenir à une époque de paix et de commodité, nous sommes également heureux d’en savoir un peu plus sur la façon dont cet endroit remarquable a vu le jour. 

SI VOUS Y ALLEZ 

QUAND VISITER : La crypte archéologique du lieu historique national des Forts-et-Châteaux-Saint-Louis est ouverte en saison. Vérifiez auprès de Parcs Canada pour connaître les dates exactes. 

POUR S’Y RENDRE : Faites-vous plaisir et prenez le train pour Québec si vous le pouvez. Non seulement le voyage est relaxant, mais vous n’aurez pas à vous soucier de naviguer dans les rues étroites du Vieux-Québec ou de trouver un stationnement. En prime, vous arriverez à la magnifique gare du Palais, qui évoque le Château Frontenac. 

OÙ SE LOGER : Outre le légendaire château et quelques autres grands hôtels, il existe une myriade de petits gîtes charmants à l’intérieur des remparts de la ville; beaucoup d’entre eux offrent le déjeuner. Nous avons apprécié notre séjour à l’Hôtel Cap Diamant, charmant et abordable, situé sur la paisible avenue Sainte-Geneviève. 

EXPLORER : Dans le Vieux-Québec, l’histoire est omniprésente. Marchez sur les plaines d’Abraham, visitez le Musée Royal 22e Régiment, explorez l’histoire de la province au Musée de la civilisation, ou flânez tout simplement dans les rues en lisant les nombreuses plaques commémoratives. Pour une vue incomparable et une courte escapade, prenez le traversier jusqu’à Lévis et revenez à Québec. 

À PRÉVOIR : Prévoyez des chaussures confortables et un bon livre – ou un magazine d’histoire! – à lire dans les nombreux parcs. 

Cet article est paru dans le numéro avril-mai 2022 du magazine Canada’s History.

Relié à Voyages